STMicroelectronics dans l’orange
Ce classement de ST publié sur le site « travailler-mieux.gouv.fr » donne l’état d’avancement de la prévention du stress professionnel pour près de 1 500 entreprises de plus de 1 000 salariés.
Cette publication qui s’inscrit dans le cadre du plan d’urgence présenté par le Ministre au Conseil d’Orientation sur les Conditions de Travail du 9 octobre 2009, prend la forme d’une inscription en trois catégories (vert, orange et rouge) qui indiquent le degré d’avancement des entreprises dans la mise en œuvre d’une politique de prévention du stress professionnel.
Nos commentaires sur le projet d’accord de la direction :
Problématique et finalité du pré-diagnostic national :
- Si un état des lieux effectué par un cabinet extérieur paraît de bon sens, la question du choix donc de l’impartialité dudit cabinet doit être posée. Comment se fera le choix ?
- De-même il faudrait approuver un accord qui ne dit rien des éventuelles dispositions qui seraient prises par un comité dont les signataires en seraient exclus.
- Vient ensuite la raison d’être de l’accord qui est la prévention. Nous savons dès à présent que l’environnement de travail, et en premier lieu l’organisation du travail, est la première cause de la souffrance subie par les salariés au travail. Or il est manifeste que ce projet d’accord se positionne plutôt dans le curatif et non dans le préventif. Il y a une tentation de différer ou d’évacuer d’emblée toutes mesures susceptibles de s’attaquer à l’organisation du travail car des mesures immédiates pourraient être prises en tenant compte des revendications exprimées par les organisations syndicales et notamment par la CGT.
- La communication des résultats du pré-diagnostic aux parties signataires uniquement, donc dans la plus grande discrétion possible, jette un doute sur la volonté de la direction de vouloir sérieusement s’attaquer à la souffrance au travail.
- Par ailleurs, il y a une confusion entre la durée de l’accord et la mise en application des actions. En effet s’il est d’usage de limiter dans le temps un accord, celui-ci ne doit pas donner matière à différer des mesures qui pourraient être prises rapidement d’autant qu’il s’agit avant tout de la santé des salariés.
Rôle des CHSCT
A l’article 4 (Titre 1) il est reconnu l’importance des élus des CHSCT auxquels la direction demande d’être « les moteurs locaux de la démarche » et donc doivent « adhérer aux principes posés » par l’accord. Or, deux remarques s’imposent :
- Les CHSCT comme nous le proposons doivent être effectivement au cœur du processus de prévention, mais en réalité, la direction ne propose qu’un rôle subalterne pour les élus CHSCT et de plus elle ne considère pas la pertinence d’un CHSCT national qui pourrait avoir une grande utilité pour « déployer une démarche cohérente » et répondre aux demandes du CCE. Au lieu de cela l’accord prévoit la création de structures parallèles dont on voit bien que leur mission sera de limiter les remises en causes.
- La deuxième remarque concerne la formation et la sensibilisation des élus proposées par la direction. Nous contestons que la vision sur la souffrance au travail soit objective et neutre du point de vue économique, du management et de l’organisation. Dans ce cas le risque est grand de voir se mettre en place une formation au seul service d’une des parties. Nous ne pouvons pas admettre que la formation des élus du personnel soit organisée par les directions.
La prévention : Un rappel s’impose avec la définition de l’OMS :
- la prévention primaire est l’ensemble des moyens mis en œuvre pour empêcher l’apparition d’un trouble, d’une pathologie ou d’un symptôme. information de la population, de groupes cibles ou d’individus (éducation sanitaire ou éducation pour la santé), vaccinations… ;
- la prévention secondaire vise la détection précoce des maladies, dans le but de les
découvrir à un stade où elles peuvent être traitées (dépistage). - la prévention tertiaire tend à éviter les complications dans les maladies déjà présentes.
PREVENTION PRIMAIRE
La direction crée des cellules de veille « chargée de la détection, et de l’identification des situations de stress générant de la souffrance au travail » qui relèvent en fait de la prévention secondaire…
Si la prévention liée à l’organisation du travail semble occuper une place de choix dans le projet d’accord, il saute aux yeux que le rôle de cette structure empiète largement sur les prérogatives des CHSCT. Il est révélateur qu’on retrouve dans sa composition : le service médical, la DRH et l’ingénieur sécurité, mais seulement trois salariés dont « au moins » un seul membre du CHSCT.
Cela est d’autant plus inquiétant que la cellule de veille serait chargée de l’identification des salariés en état de souffrance et donc amenée à visiter les lieux de travail, c’est à dire exactement ce que fait le CHSCT. On peut noter également que la fréquence de réunion de la cellule de veille est trois fois plus faible que les réunions ordinaires du CHSCT.
La médecine du travail devrait rester au cœur du dispositif et centraliser les cas de salariés en état de souffrance comme elle le fait déjà. Il faut améliorer la situation actuelle, en assurant aux salariés concernés en plus de l’anonymat, s’il est demandé, l’assurance que sa démarche débouchera sur des actions concrètes et discutées en réunion de CHSCT.
En conséquence, nous proposons que cette cellule de veille soit de fait le CHSCT, enrichi par la participation de personnes qualifiées quand l’ordre du jour concerne la prévention des risques psychosociaux. A cette fin le CHSCT élargi fera ses remarques et propositions d’actions à la direction par l’intermédiaire du président qui la représente.
Nous ne voyons donc pas l’utilité de mentionner dans cet accord, la création d’un comité de pilotage quasiment uniquement composé de membres de la direction. En effet la direction est parfaitement libre de s’organiser comme elle l’entend, sans passer par un accord syndical, pour mettre en œuvre les recommandations du CHSCT élargi.
PREVENTION SECONDAIRE
Nous avons vu que la prévention secondaire relève du dépistage et typiquement, la programmation d’une étude sur les risques psycho-sociaux serait tout à fait la bienvenue. Mais non, ici la direction considère qu’ « Il est donc important de laisser à chacun la possibilité d’agir à son propre niveau pour mieux reconnaitre son niveau de stress et apprendre à y faire face ».
Par ailleurs, le flou entourant « la personne qualifiée » accessible par un numéro vert, ne rend pas très engageant la démarche du salarié en état de souffrance. Il vaudrait mieux consolider la confiance des salariés en la médecine du travail. Quand à l’adresse mail spécifique, ne vaudrait-il pas mieux utiliser celle du CHSCT (la créer si besoin) ?
L’utilisation du DIF pour des formations sur le stress paraît déplacée dans un contexte de souffrance nécessitant des mesures rapides de la part de la DRH et de la hiérarchie.
PREVENTION TERTIAIRE
Le rôle de la médecine du travail est rappelé, ce qui est bien, mais il ne faut pas oublier le médecin traitant qui est seul habilité à prescrire un arrêt maladie. Quant-à l’accompagnement par un psychologue, nous restons réservés sur l’utilisation d’un cabinet « externe » qui sous-entend un contrat entre ce cabinet et ST…
SOUFFRANCE AU TRAVAIL : Propositions CGT pour attaquer le mal à la racine
Préambule :
ST à mis en place ces 20 dernières années, une organisation du travail basée sur le TQM, la réorganisation permanente, un système d’évaluation uniquement individuelle, des critères uniquement financiers… pour les besoins de l’entreprise. Or, le travail doit permettre de construire sa vie personnelle, celle de sa famille, de participer au développement de la société et de se protéger socialement des risques liés à toute vie humaine. Il ne doit donc pas être lui-même générateur de souffrance et, lorsque c’est malgré tout le cas, tout doit être mis en œuvre pour la supprimer, les actions de type collectives primant sur les actions individuelles conformément aux principes de prévention.
d’une part que l’entreprise, en accord avec les organisations syndicales, fasse appel à un cabinet d’expertise homologué pour identifier les facteurs de risques inhérents aux différents sites de ST.
d’autre part, sur la base de l’expérience des élus et de la médecine du travail, de lancer des actions de prévention en agissant sur le travail et plus particulièrement sur 7 points identifiés comme clefs par les psychanalystes du travail.
Agir sur le travail :
1. Relations sociales
Il est impératif de rebâtir les collectifs de travail et pour cela il faut :
- Privilégier le collectif sur l’individuel ce qui implique de repenser les entretiens d’évaluation ePA et de supprimer le système de notation.
- Mettre en place un système de reconnaissance basé sur tous les acteurs du travail (hiérarchie, pairs, autres collègues des projets).
- Les avis des salariés, des élus CE, CHSCT, DP et CCE doivent être respectés par ST ce qui contribuera à restaurer la relation employé-Ressources Humaines et rétablir la confiance vis-à-vis de la direction.
2.Contenu du travail
Il ne suffit pas d’avoir du travail, encore faut-il qu’il serve ce qui signifie qu’il faut :
- Redonner un sens à notre travail autre que celui de satisfaire la bourse.
- Valoriser le travail réel et non uniquement le travail prescrit.
- Valoriser le travail bien fait et non le respect de normes financières totales.
- Libérer du temps pour innover en garantissant un pourcentage de notre temps de travail.
- Simplifier et adapter les procédures relevant des situations de travail.
3. Environnement physique
Ce sont les conditions de travail qui doivent être adaptées au salarié, aussi faut-il :
- Aménager les postes de travail en fonction des métiers et des besoins des salariés
- Lutter contre les nuisances (ex : bruit, climatisation, manque de lumière naturelle…)
- Développer les lieux de pause et de rencontre à proximité des postes de travail.
4. Organisation du travail
Il ne faut pas qu’il y ait d’un côté ceux qui pensent les organisations et de l’autre ceux qui les subissent, il est donc nécessaire de :
- Replacer l’individu dans un collectif de travail afin qu’il soit partie prenante dans la mise en place de son organisation (ex : structure, « move », horaires…) .
- Repenser les horaires et le temps de travail notamment en reconnaissant le travail dissimulé des « forfaits-jours » et en prenant mieux en compte le travail posté.
- Donner le droit à un salarié de refuser un objectif si les moyens et le temps qu’il considère nécessaires, ne lui sont pas alloués.
- Anticiper les évolutions de structure et technologiques.
- Garantir une autonomie à chaque salarié (autonomie sur la gestion du travail moyens, formation)
- Embaucher tous les sous-traitants dont l’activité est lié aux métiers de ST (production, design, engineering, planning…)
5. Évoluer
Chacun aspire à avoir la possibilité d’un avenir dans l’entreprise, aussi il faut :
- Garantir des évolutions de carrière dans la cadre d’une grille connue de tous et sur des critères objectifs.
- Garantir à chaque salarié un crédit de formation contribuant à son évolution et pris en compte dans sa charge de travail.
6. Vie personnelle et vie professionnelle
C’est le plus souvent le travail qui s’invite à la maison et non l’inverse, il est donc indispensable de
- Protéger le temps hors travail (ex : respecter les délais de prévenance pour les missions, le droit à récupération)
- Prendre en compte la problématique de l’éloignement domicile/travail.
- Donner les moyens aux salariés ayant un emploi pénible (ex : travail de nuit, de weekend…) de changer pour un emploi adapté.
- Respecter les arrêts de travail en stoppant le flicage des arrêtes maladie à domicile.
7. Isolement
La collègue de travail n’est pas un rival dont il faut se méfier ou un client auquel il faudrait se soumettre, pour cela il est impératif de :
- Supprimer le concept de client interne et le remplacer par celui de collectif de travail.
- Supprimer, dans le cadre des entretiens annuels, la dimension notation individuelle
- Réduire à ce qui relève de la sécurité physique des salariés, les entraves à leur circulation (accès badgés) et le contrôle par caméras.
- Remettre en place les groupes d’expression tels que définis par la loi.
La pierre d’angle du dispositif de lutte contre la souffrance au travail doit être le CHSCT dont c’est déjà la mission et dont les moyens doivent être accrus (ex : nombre d’élus, droit à formation, extension du droit d’alerte), un CHSCT national devant être créé.